La fin d’une mesure de protection visant un majeur

Légalement, il n’existe que trois manières pour une mesure de protection pour un majeur de prendre fin (art. 443 code civil) :

  • A l’expiration du délai fixé et en l’absence de renouvellement ;
  • En cas de jugement de mainlevée prononcé par le juge des contentieux de la protection, statuant en tant que juge des tutelles, passé en force de chose jugée ;
  • En cas de décès de l’intéressé.

 

Autrement dit, une mesure de protection juridique, quoique nécessairement circonscrite dans le temps pour permettre une vérification régulière de son opportunité et de son efficacité, est censée apporter une réponse durablement nécessaire. Les situations envisagées peuvent être limitées dans le temps mais ce n’est généralement pas le cas.

Il faut mettre de côté la sauvegarde de justice qui vise la personne qui « a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés ».

En revanche, les autres mesures – habilitation familiale, curatelle et tutelle – visent « la personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin […] d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile » (art. 440 code civil et 494-1 code civil pour l’habilitation familiale).  

Parmi les trois fins d’une mesure de protection envisagées, seul le jugement de mainlevée relève directement de la volonté d’une personne ; en pratique généralement le majeur jusqu’alors protégé ou un proche. Ainsi, il/s reprend/nent une autonomie qui leur avait été retirée avec la mesure de protection.

La mainlevée peut être demandée par la personne protégée, un de ses proches ou le procureur de la République (si besoin saisi par un tiers) ; ce sont les mêmes personnes que celles qui peuvent demander l’ouverture d’une mesure de protection.

Le juge des tutelles doit effectuer le même contrôle pour prononcer une mainlevée que pour l’ouverture d’une mesure. Le certificat médical circonstancié n’est pas obligatoire pour la mainlevée mais tout avis médical aura certainement un poids probatoire conséquent. Il s’agit de démontrer soit que la personne a retrouvé une autonomie suffisante pour ne pas avoir besoin d’être assistée ou représentée soit que la mesure de protection ne peut plus être mise efficacement en œuvre ; c’est l’hypothèse visée par le second alinéa de l’article 443 du code civil qui dispose que le juge peut mettre fin à une mesure de protection s’appliquant à une personne qui réside « hors du territoire national, si cet éloignement empêche le suivi et le contrôle de la mesure ».

Il est rare d’avoir l’opportunité de demander la mainlevée d’une mesure de protection.

C’est l’hypothèse qui s’est récemment présentée au cabinet ADELUS AVOCAT.

Monsieur A. X. est le frère d’un majeur sous curatelle renforcée, Monsieur B. X.. Les deux frères et leur mère ont une double nationalité et ils ont décidé de quitter la France pour émigrer dans ce second État. Ils auraient pu laisser la curatelle suivre son cours et expirer au délai fixé sans qu’un renouvellement ne soit demandé mais en pratique seul le curateur renforcé, une association parisienne exerçant en tant que MJPM, avait accès aux comptes bancaires de Monsieur B. X. sur lesquels avaient été versés les salaires qu’il percevait jusqu’à son départ. Les consorts ont besoin de cette épargne pour leur installation mais le curateur renforcé ne répond à aucune de leurs demandes.

En conséquence, nous les avons aidés à obtenir la mainlevée de la curatelle renforcée en argumentant que le juge des tutelles n’était plus en mesure d’assurer le suivi et le contrôle de la mesure. Un argument qui a fait mouche car le juge étant une manifestation de la souveraineté française, ses prérogatives cessent aux frontières.

Ainsi, Monsieur B. X. a retrouvé l’accès libre, avec l’aide de son frère et de sa mère, de ses ressources. Naturellement, les causes qui ont initialement justifiées la mise en place de la mesure de curatelle renforcée n’ont pas disparues mais juridiquement, seul un juge local peut prononcer des mesures qui se déploieront dans ce second État qui n’est pas la France.

E. ADELUS

Quelques pièges quand on a la chance d’être légataire

Votre grand-oncle est décédé sans descendant et sans conjoint. Par testament enregistré auprès d’un notaire il vous a légué, à vous et vos deux frères, l’intégralité de son patrimoine constitué d’épargnes bancaires et d’un immeuble en centre-ville d’une ville côtière composé d’un commerce au rez-de-chaussée et du domicile du défunt au premier et second étages.

Une sacrée chance pour les heureux légataires !

Vos frères et vous êtes d’accord pour accepter et gérer en commun cet héritage qui apportera certainement des revenus fonciers conséquents.

Vous n’avez jamais été confronté à une succession auparavant donc sans trop vous poser de questions, vous vous tourner vers l’étude notariale auprès de laquelle votre grand-oncle avait enregistré son testament.

Vous avez le plus grand mal de joindre ce notaire. Il vous faut multiplier les appels et les mails. Un de vos frères s’est même déplacé à l’étude pour se voir poliment mais fermement mis à la porte.

Finalement, trois mois après l’ouverture du testament, le notaire vous annonce qu’il lui faudra dix à douze mois pour effectuer les formalités successorales.

Vous vous dites que c’est son métier. S’il y a un délai aussi long c’est qu’il croule sous le travail. C’est désagréable de devoir attendre mais nous n’avons pas le choix.

Six mois plus tard, est arrivé le premier courrier de l’administration fiscale. Vous n’avez pas déclaré la succession dans les six mois de son ouverture (i.e. du décès). Gentiment, semble-t-il, l’administration vous interroge sur les raisons de ce retard. Derrière le ton poli, c’est bien une première mise en demeure!

Si ce n’est quelques changements pour assurer l’anonymat, voilà la situation à laquelle une cliente et sa fratrie sont actuellement confrontés. Il faut aujourd’hui tenter de réparer une erreur qui aurait pu facilement être prévenue.

1.     Ils n’étaient pas liés par le choix du défunt d’enregistrer son testament auprès d’une étude notariale. La compétence des notaires est nationale (contrairement à celle des avocats) donc un notaire d’Amiens pourrait légitimement se charger de la transmission de l’immeuble dans une ville côtière comme en l’espèce. C’est d’ailleurs ce que finit par faire ma cliente et sa fratrie : la déclaration de succession pu être envoyée deux mois plus tard grâce aux diligences du second notaire.

Mais, le mal était fait car le délai fiscal était dépassé.
  1. L’important est de travailler avec des personnes en qui ont peut avoir confiance ou qui nous sont recommandées. Les notaires, comme les avocats, ne sont pas tous équivalents. Les délais annoncés par le premier notaire auraient dû les alerter mais leur ignorance – parfaitement légitime – des procédures en cas de décès et leur confiance en la personne du « maître » les a empêché de faire correctement attention.
  2. La déclaration de succession est une obligation incompressible prévue par le code général des impôts (art. 800 du code général des impôts) et l’administration surveille attentivement le respect de son enregistrement dans les six mois du décès.

Seuls en sont dispensés les ayants cause en ligne directe ou le conjoint/partenaire recevant un actif brut successoral inférieur à 50.000 € et les personnes autres recevant un actif brut successoral inférieur à 3.000 €.

Outre les renseignements d’identification relatifs au défunt et aux héritiers il faut renseigner :

·       Le détail des dispositions testamentaires ;

·       Le rappel de toutes les donations consenties par le défunt antérieurement à son décès ;

·       L’énumération et l’estimation de l’actif successoral ;

·       L’énumération et le montant du passif successoral ;

·       Une affirmation de sincérité.

Le délai de six mois peut être très court pour réunir toutes ces informations.

Par exemple, un généalogiste peut être nécessaire pour établir avec certitude qui sont les héritiers. L’identification de l’actif et du passif successoraux peut également être difficile à établir pendant ce délai. Par exemple, le patrimoine d’un chef d’entreprise peut être constitué en grande partie de parts dans sa société or la valorisation de parts est un travail complexe. 

En cas de doute sur l’identification ou l’évaluation de l’actif ou du passif successoral, il faut faire une déclaration principale avec une estimation provisoire dans le délai de six mois. Les droits d’enregistrement seront calculés sur cette estimation provisoire. Il est ensuite possible de remplir une déclaration rectificative accompagnée du paiement d’un complément d’impôt ou d’une demande de restitution.

En conclusion, s’il y a une seule chose dont il faut se souvenir c’est qu’une succession est une affaire complexes chargées de pièges. Il est important de s’entourer avec des professionnels de confiance pour que toutes les obligations et tous les délais impératifs soient respectés.

 

Le logement familial lors d’une séparation

 

Depuis quelques mois, le cabinet Adelus Avocat suit un
client marié en communauté de bien réduite aux acquêts ; le régime légal.

Il possède avec son épouse, donc en communauté, une maison
pour laquelle il reste encore une part conséquente du prêt immobilier à
rembourser. Le ménage est également redevable de nombreuses dettes en plus du
crédit immobilier.

En conséquence, les revenus mensuels des époux, corrects
mais non mirobolants, sont entièrement utilisés pour le remboursement des
échéances et le paiement des charges incompressibles.

Ni l’un ni l’autre ne dispose donc des moyens nécessaires
pour pouvoir quitter le domicile conjugal et se reloger de manière décente.

Qui plus est, deux des trois enfants communs, tous adultes,
résident encore au domicile parental et n’ont pas non plus les moyens de vivre
autre part.

 
 

La situation tenait cahin-caha tant que les époux
s’entendaient mais aujourd’hui, quoiqu’ils résident encore sous le même toit,
ils ne se parlent plus que par avocats interposés. L’un ou l’autre ne peut
quitter le domicile conjugal ; une prise de distance qui pourtant pourrait
permettre de calmer les tensions actuellement exacerbées.

Ce cas permet d’envisager une situation où la seule
difficulté soulevée par la séparation des époux est patrimoniale. Les deux
époux s’accordent sur l’opportunité de divorcer, les enfants sont majeurs et
vivent leurs vies avec le soutien de chacun de leurs parents. Mais il y a ces
dettes et ce bien immobilier qui leur imposent de rester ensemble ; ni
l’un ni l’autre ne peut, avec ses seuls moyens, prendre de la distance par
rapport au conflit conjugal.

 

Quelles sont les options qui leurs sont, ou leur étaient si un avocat avait été saisi à temps, disponibles pour dépasser cette difficulté ?

Nous traiterons en premier l’hypothèse du couple marié, comme en l’espèce, avant d’envisager le couple pacsé et le couple en concubinage.

1. Le couple est marié

Les couples mariés sont soumis à deux séries de règles : celles constituant le régime primaire qui s’appliquent impérativement à tout couple marié en France et celles constituant le régime matrimonial qui sont supplétives de volonté.

Parmi les règles impératives du régime primaire, plusieurs envisagent le sort de la résidence familiale. La loi reconnait donc la nature très particulière de ce bien qui matérialise bien souvent le projet de vie commun des époux.

Au cours de la vie maritale, il faut citer l’article 215, alinéa 3, du code civil :

« Les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous ».

En cours de divorce, si le domicile conjugal est un bien commun/indivis ou un bien appartenant en propre à un seul époux, les conjoints peuvent se mettre d’accord sur lequel d’entre eux jouit du domicile conjugal pendant la procédure et les conditions de cette occupation, notamment si elle est à titre onéreux ou gratuit.

A défaut, cette question est tranchée par le Juge aux affaires familiales (JAF) en tout début de procédure, au cours de l’audience d’orientation et sur les mesures provisoires.

Généralement, le domicile est attribué à la personne chez qui les enfants mineurs, le cas échéant, résident à temps plein ou qui a un moindre salaire et donc plus de difficultés à se reloger décemment.

Si le domicile conjugal est loué, chaque époux bénéficie d’un droit au bail (art. 1751 Code civil). Autrement dit, chacun peut demander à se voir attribuer la jouissance de cette résidence en considération des « intérêts sociaux et familiaux en cause ».

Avant cet accord ou l’ordonnance du JAF, un époux peut préférer quitter le domicile conjugal plutôt que de continuer à subir une situation de tension qui peut être extrême. Il est important de prendre conseil auprès de son avocat auparavant pour que ce départ ne puisse lui être reproché par la suite. Il est notamment utile de prendre acte de la situation en enregistrant une main courante.

Après le divorce, plusieurs cas de figures apparaissent :

  • Le domicile est un bien commun : le divorce doit mettre fin aux intérêts patrimoniaux partagés qui existaient entre les époux, ce qui implique de liquider et de partager le bien immobilier constituant le domicile conjugal ; bien souvent le principal actif du ménage, du moins s’ils ont fini de rembourser le prêt ayant permis l’achat. Les époux pourront vendre et se partager les fruits, après avoir remboursé les dettes communes. Un des époux peut également demander l’attribution de ce bien pour en devenir seul propriétaire, le plus souvent contre le paiement d’une soulte en fonction des équilibres à l’issue de l’état liquidatif. Sinon, mais c’est plus rare, les époux peuvent conserver le bien en indivision.
  • Le domicile est un bien propre ou individuel d’un époux : l’autre époux peut demander à se voir attribuer ce bien contre le paiement d’un bail si :
    • Il exerce l’autorité parentale sur les enfants communs ;
    • Si la résidence des enfants est partagée ou s’ils résident habituellement dans ce logement ;
    • Si l’intérêt des enfants le commande.

Naturellement, il faut s’interroger sur l’opportunité que des époux divorcés entretiennent une relation bailleur-locataire. Généralement, quand on en arrive au divorce il est préférable d’aboutir à une séparation nette des intérêts communs mais les circonstances spécifiques de conjoints en voie de divorce peuvent justifier de procéder de la sorte.

En somme, chaque mariage est unique et nécessite des conseils individualisés par un avocat connaissant parfaitement la matière.  

2. Le couple est pacsé

Premièrement, le domicile est la propriété d’un ou des deux pacsés ; il est rappelé que le couple peut choisir le régime de l’indivision des biens dans son contrat de PACS et tout achat en cours de vie commune sera présumé indivis par moitiés. Par défaut, les partenaires seront soumis au régime de la séparation de biens.

Si les deux sont propriétaires, les règles de l’indivision s’appliquent. Les décisions importantes doivent en principe être prises à l’unanimité ; ce qui est souvent très difficile après une séparation. Un indivisaire peut jouir à titre privatif du bien indivis mais cette jouissance est présumée être à titre onéreux – contre le paiement d’une indemnité d’occupation souvent équivalente à un loyer – et doit être expressément qualifiée de gratuite pour l’être.

Si un seul partenaire est propriétaire, il a la seule maîtrise de ce bien et peut donc, à ce titre, refuser le maintien en les lieux de son ancien partenaire.

Deuxièmement, si l’occupation du domicile est au titre d’un bail il faut déterminer qui est nommé dans celui-ci en tant que locataire.

Si les deux partenaires le sont, ils ont chacun le droit de se maintenir dans le logement, même si l’autre le quitte. Ce dernier aura intérêt à demander au bailleur de le retirer du bail pour ne pas être tenu solidairement de toute dette qui pourrait découler du bail.

Si un seul partenaire est nommé dans le bail, le droit au bail prévu par l’article 1751 du Code civil – envisagé pour les couples mariés – s’applique à ce couple et permet la protection du partenaire ‘partie faible’.

En revanche, sauf stipulation expresse dans le contrat de PACS, il n’y a pas d’autre protection spécifique du droit au logement conjugal.

3. Le couple n’est ni marié ni pacsé

Le concubinage est très peu pris en considération par le code civil et cela se vérifie pour la problématique qui nous intéresse. Il y a très peu de mesures qui permettent de rééquilibrer une disparité économique entre les concubins.

La relation de concubinage étant libre, la rupture ne peut être, en elle-même, fautive. Seuls peuvent être fautifs les dommages causés par une rupture effectuées d’une manière qui a causé fautive à l’égard du concubin ; cela est en pratique très difficile à démontrer.

Si le bien appartient à un concubin, il peut valablement demander à son ancien compagnon de le quitter. Tout au plus pourrait-il démontrer une faute si cela contraint ce dernier à vivre dans la rue sans autre moyen de subsistance ; autrement dit si cela lui cause un dommage ouvrant voie à réparation car fautif.

Si le domicile est loué et que seul le nom d’un concubin est sur le bail, le second ne dispose d’aucun droit à l’égard de ce logement. La loi prévoit seulement que le bailleur ne peut refuser le transfert du bail à son nom s’il démontre qu’il a vécu dans ce logement au moins un an en concubinage et que cette relation était notoire.

Si le domicile est loué aux deux noms, celui-ci continue naturellement avec le concubin qui se maintient dans le logement. Le concubin l’ayant quitté à intérêt à faire enlever son nom du bail pour ne pas être tenu solidairement des éventuelles dettes locatives.  

Cette présentation succincte d’une problématique qui est en pratique souvent complexe et sensible démontre que toute action dans le cadre d’une séparation, que ce soit en amont, pendant ou en aval de celle-ci, peut avoir des conséquences importantes. Il est essentiel d’être accompagné par un conseil au plus tôt.

Pour cela faites appel à Adelus Avocat.

Le droit à la preuve

Droit à la preuve ou droit de la preuve? Loyauté de la preuve? Retour rapide sur une difficulté fondamentale de la procédure judiciaire: comment prouver ses allégation?

En droit civil, la preuve d’un fait est en principe libre. La
charge de prouver une allégation pèse sur la partie qui la fait (art. 9 code de
procédure civile). En matière de droit de la famille cela se comprend
parfaitement car, par opposition aux problématiques contractuelles où il devrait
exister un écrit qui fonde la relation entre les parties, les problématiques
que nous envisageons découlent principalement de circonstances.

 

Par exemple, deux époux sont en instance de divorce. L’Époux
n° 1 souhaite demander un divorce pour faute pour adultère par l’Époux n° 2.

Quoique l’Époux n° 1 a la certitude que l’Époux n° 2 est infidèle,
il ne peut le démontrer.

La preuve étant libre, peut-il, par lui-même ou en recourant
à un détective privé, suivre à son insu son époux et photographier ou
enregistrer des situations suspectes ? Peut-il s’introduire, sans l’autorisation
de son époux, dans le téléphone de ce dernier pour prendre connaissance de ses
messages ?

L’évolution récente de cette problématique démontre un mouvement d’un droit de la preuve – une règlementation de l’usage des moyens de preuve – à un droit à la preuve qui, sans être absolu, gagne indéniablement en importance ces dernières années. Nous passons d’un système qui était tout de même assez restrictif à un système libéral.

 

Traditionnellement, et schématiquement, il existe deux restrictions au recours à une preuve :

  • ·       La preuve illicite :

Reprenons l’exemple du divorce. L’article 259 du Code civil dispose : « Les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l’aveu. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux ».

Autrement dit, les enfants du couple en instance de divorce, qu’ils soient mineurs ou majeurs, ne peuvent être auditionnés ou attester sur les causes invoqués par les époux pour justifier leur demande de divorce. Ce qui ne veut pas dire que les mineurs ne sont jamais entendus devant les juridictions civiles (cliquez ici).

De même, l’article 259-2 du même code dispose : « Les constats dressés à la demande d’un époux sont écartés des débats s’il y a eu violation de domicile ou atteinte illicite à l’intimité de la vie privée ». Ce qui n’est pas explicitement interdit étant autorisé, il faut en comprendre que le recours à un détective privé ou à des filatures n’est pas illicite dès lors qu’il n’y a aucune infraction dans l’intimité de la cible. Autrement dit, l’Époux n° 1 pourra utiliser des photos compromettantes de l’Époux n° 2 prises à la terrasse d’un café par opposition à une photo où le photographe a dû escalader un mur pour pouvoir photographier l’Époux n° 2 sur son balcon.

  • ·       La preuve déloyale :

La loyauté n’est pas expressément visée par une disposition légale et il est d’usage de la fonder sur l’article 9 du Code de procédure civile. Il s’agit de ne pas admettre dans les débats judiciaires des preuves qui auraient été obtenues d’une manière qui serait contraire aux valeurs de l’ordre judiciaire et plus largement de l’état de droit.  

Ainsi, le 7 janvier 2011, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation statuait : « que l’enregistrement d’une communication téléphonique réalisé à l’insu de l’auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve ».

Cette interprétation était avantageuse pour l’Époux adultère. Imaginons que l’Époux n° 1, ne trouvant pas d’autre moyen de prouver l’adultère décide de confronter l’Époux n° 2 pour l’enregistrer, à son insu, quand il admettra ses méfaits. Cette jurisprudence laisse entendre que l’Époux n° 2 pourrait demander que cet enregistrement soit écarté des débats car pris à son insu.

Cette introduction de la notion de loyauté de la preuve nous a fait rentrer dans une nouvelle ère avec, de manière croissante jusqu’à aujourd’hui, un contrôle de proportionnalité du recours à une preuve dont la loyauté est questionnée. Il s’agit alors de trouver un équilibre, propre à chaque cas d’espèce, entre le droit de démontrer son argument et le droit de se défendre dans le cadre d’un procès équitable.

Cette difficile équation est utilisée en droit de la famille depuis une dizaine d’années.

Cette difficile équation est utilisée en droit de la famille depuis une dizaine d’années.

Par exemple, un litige existait au sein d’une fratrie pour la succession des parents. Le frère, et gérant de l’indivision successorale, retrouve dans les papiers des parents défunts, une lettre importante pour le partage de l’indivision. Il la communique dans le cadre de la procédure judiciaire sans autorisation de ses deux sœurs et de l’auteur de la lettre. L’arrêt d’appel écarte cette missive des débats au motif que sa production serait contraire au respect de la vie privée et du secret des correspondances. Cet arrêt est cassé : « Attendu qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la production litigieuse n’était pas indispensable à l’exercice de son droit à la preuve, et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » (Cass. Civ. 1ère, 5 avril 2012, n° 11-14.177).

Ainsi, la question n’est plus de savoir si une preuve est loyale mais si le droit à la preuve de celui qui l’a produit n’est pas, en l’espèce, plus important que l’exigence de loyauté de la preuve car autrement sans elle, il ne pourrait correctement se défendre.

Ce nécessaire recours au contrôle de proportionnalité en matière probatoire a été récemment confirmé par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, son instance la plus solennelle, le 22 décembre 2023 : « il y a lieu de considérer désormais que, dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier, si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

La conclusion de cette présentation très rapide d’une difficulté essentielle du procès civil qu’est la communication d’un moyen de preuve est que c’est une question éminemment difficile et relative. Il est important de se tourner vers un professionnel du droit pour pouvoir efficacement se défendre, sans risquer de tomber dans une des nombreuses embûches de la procédure civile.

Le Cabinet ADELUS AVOCAT saura vous aider à construire vos dossiers et à vous défendre au mieux.