Depuis quelques mois, le cabinet Adelus Avocat suit un
client marié en communauté de bien réduite aux acquêts ; le régime légal.
Il possède avec son épouse, donc en communauté, une maison
pour laquelle il reste encore une part conséquente du prêt immobilier à
rembourser. Le ménage est également redevable de nombreuses dettes en plus du
crédit immobilier.
En conséquence, les revenus mensuels des époux, corrects
mais non mirobolants, sont entièrement utilisés pour le remboursement des
échéances et le paiement des charges incompressibles.
Ni l’un ni l’autre ne dispose donc des moyens nécessaires
pour pouvoir quitter le domicile conjugal et se reloger de manière décente.
Qui plus est, deux des trois enfants communs, tous adultes,
résident encore au domicile parental et n’ont pas non plus les moyens de vivre
autre part.
La situation tenait cahin-caha tant que les époux
s’entendaient mais aujourd’hui, quoiqu’ils résident encore sous le même toit,
ils ne se parlent plus que par avocats interposés. L’un ou l’autre ne peut
quitter le domicile conjugal ; une prise de distance qui pourtant pourrait
permettre de calmer les tensions actuellement exacerbées.
Ce cas permet d’envisager une situation où la seule
difficulté soulevée par la séparation des époux est patrimoniale. Les deux
époux s’accordent sur l’opportunité de divorcer, les enfants sont majeurs et
vivent leurs vies avec le soutien de chacun de leurs parents. Mais il y a ces
dettes et ce bien immobilier qui leur imposent de rester ensemble ; ni
l’un ni l’autre ne peut, avec ses seuls moyens, prendre de la distance par
rapport au conflit conjugal.
Quelles sont les options qui leurs sont, ou leur étaient si un avocat avait été saisi à temps, disponibles pour dépasser cette difficulté ?
Nous traiterons en premier l’hypothèse du couple marié, comme en l’espèce, avant d’envisager le couple pacsé et le couple en concubinage.
1. Le couple est marié
Les couples mariés sont soumis à deux séries de règles : celles constituant le régime primaire qui s’appliquent impérativement à tout couple marié en France et celles constituant le régime matrimonial qui sont supplétives de volonté.
Parmi les règles impératives du régime primaire, plusieurs envisagent le sort de la résidence familiale. La loi reconnait donc la nature très particulière de ce bien qui matérialise bien souvent le projet de vie commun des époux.
Au cours de la vie maritale, il faut citer l’article 215, alinéa 3, du code civil :
« Les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous ».
En cours de divorce, si le domicile conjugal est un bien commun/indivis ou un bien appartenant en propre à un seul époux, les conjoints peuvent se mettre d’accord sur lequel d’entre eux jouit du domicile conjugal pendant la procédure et les conditions de cette occupation, notamment si elle est à titre onéreux ou gratuit.
A défaut, cette question est tranchée par le Juge aux affaires familiales (JAF) en tout début de procédure, au cours de l’audience d’orientation et sur les mesures provisoires.
Généralement, le domicile est attribué à la personne chez qui les enfants mineurs, le cas échéant, résident à temps plein ou qui a un moindre salaire et donc plus de difficultés à se reloger décemment.
Si le domicile conjugal est loué, chaque époux bénéficie d’un droit au bail (art. 1751 Code civil). Autrement dit, chacun peut demander à se voir attribuer la jouissance de cette résidence en considération des « intérêts sociaux et familiaux en cause ».
Avant cet accord ou l’ordonnance du JAF, un époux peut préférer quitter le domicile conjugal plutôt que de continuer à subir une situation de tension qui peut être extrême. Il est important de prendre conseil auprès de son avocat auparavant pour que ce départ ne puisse lui être reproché par la suite. Il est notamment utile de prendre acte de la situation en enregistrant une main courante.
Après le divorce, plusieurs cas de figures apparaissent :
- Le domicile est un bien commun : le divorce doit mettre fin aux intérêts patrimoniaux partagés qui existaient entre les époux, ce qui implique de liquider et de partager le bien immobilier constituant le domicile conjugal ; bien souvent le principal actif du ménage, du moins s’ils ont fini de rembourser le prêt ayant permis l’achat. Les époux pourront vendre et se partager les fruits, après avoir remboursé les dettes communes. Un des époux peut également demander l’attribution de ce bien pour en devenir seul propriétaire, le plus souvent contre le paiement d’une soulte en fonction des équilibres à l’issue de l’état liquidatif. Sinon, mais c’est plus rare, les époux peuvent conserver le bien en indivision.
- Le domicile est un bien propre ou individuel d’un époux : l’autre époux peut demander à se voir attribuer ce bien contre le paiement d’un bail si :
- Il exerce l’autorité parentale sur les enfants communs ;
- Si la résidence des enfants est partagée ou s’ils résident habituellement dans ce logement ;
- Si l’intérêt des enfants le commande.
Naturellement, il faut s’interroger sur l’opportunité que des époux divorcés entretiennent une relation bailleur-locataire. Généralement, quand on en arrive au divorce il est préférable d’aboutir à une séparation nette des intérêts communs mais les circonstances spécifiques de conjoints en voie de divorce peuvent justifier de procéder de la sorte.
En somme, chaque mariage est unique et nécessite des conseils individualisés par un avocat connaissant parfaitement la matière.
2. Le couple est pacsé
Premièrement, le domicile est la propriété d’un ou des deux pacsés ; il est rappelé que le couple peut choisir le régime de l’indivision des biens dans son contrat de PACS et tout achat en cours de vie commune sera présumé indivis par moitiés. Par défaut, les partenaires seront soumis au régime de la séparation de biens.
Si les deux sont propriétaires, les règles de l’indivision s’appliquent. Les décisions importantes doivent en principe être prises à l’unanimité ; ce qui est souvent très difficile après une séparation. Un indivisaire peut jouir à titre privatif du bien indivis mais cette jouissance est présumée être à titre onéreux – contre le paiement d’une indemnité d’occupation souvent équivalente à un loyer – et doit être expressément qualifiée de gratuite pour l’être.
Si un seul partenaire est propriétaire, il a la seule maîtrise de ce bien et peut donc, à ce titre, refuser le maintien en les lieux de son ancien partenaire.
Deuxièmement, si l’occupation du domicile est au titre d’un bail il faut déterminer qui est nommé dans celui-ci en tant que locataire.
Si les deux partenaires le sont, ils ont chacun le droit de se maintenir dans le logement, même si l’autre le quitte. Ce dernier aura intérêt à demander au bailleur de le retirer du bail pour ne pas être tenu solidairement de toute dette qui pourrait découler du bail.
Si un seul partenaire est nommé dans le bail, le droit au bail prévu par l’article 1751 du Code civil – envisagé pour les couples mariés – s’applique à ce couple et permet la protection du partenaire ‘partie faible’.
En revanche, sauf stipulation expresse dans le contrat de PACS, il n’y a pas d’autre protection spécifique du droit au logement conjugal.
3. Le couple n’est ni marié ni pacsé
Le concubinage est très peu pris en considération par le code civil et cela se vérifie pour la problématique qui nous intéresse. Il y a très peu de mesures qui permettent de rééquilibrer une disparité économique entre les concubins.
La relation de concubinage étant libre, la rupture ne peut être, en elle-même, fautive. Seuls peuvent être fautifs les dommages causés par une rupture effectuées d’une manière qui a causé fautive à l’égard du concubin ; cela est en pratique très difficile à démontrer.
Si le bien appartient à un concubin, il peut valablement demander à son ancien compagnon de le quitter. Tout au plus pourrait-il démontrer une faute si cela contraint ce dernier à vivre dans la rue sans autre moyen de subsistance ; autrement dit si cela lui cause un dommage ouvrant voie à réparation car fautif.
Si le domicile est loué et que seul le nom d’un concubin est sur le bail, le second ne dispose d’aucun droit à l’égard de ce logement. La loi prévoit seulement que le bailleur ne peut refuser le transfert du bail à son nom s’il démontre qu’il a vécu dans ce logement au moins un an en concubinage et que cette relation était notoire.
Si le domicile est loué aux deux noms, celui-ci continue naturellement avec le concubin qui se maintient dans le logement. Le concubin l’ayant quitté à intérêt à faire enlever son nom du bail pour ne pas être tenu solidairement des éventuelles dettes locatives.
Cette présentation succincte d’une problématique qui est en pratique souvent complexe et sensible démontre que toute action dans le cadre d’une séparation, que ce soit en amont, pendant ou en aval de celle-ci, peut avoir des conséquences importantes. Il est essentiel d’être accompagné par un conseil au plus tôt.
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