Cette problématique est devenue brulante avec l’importante inflation que nous subissons actuellement. Conscients que les pensions alimentaires, que ce soit celles au titre du devoir de secours prononcée comme mesure provisoire au cours d’une procédure judiciaire de divorce ou une contribution à l’entretien et l’éducation d’un enfant, peuvent avoir une durée de vie relativement longue, la mention suivante est insérée systématiquement dans le dispositif des jugements, en application de l’article 208 du Code civil.
« ASSORTISSONS la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant d’une clause de variation automatique basée sur la variation de l’indice des prix de détail hors tabac pour l’ensemble des ménages publié par l’INSEE,
DISONS que la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants sera réévaluée de plein droit, à l’initiative du débiteur, sans formalité́, automatiquement et proportionnellement, le 1er juin de chaque année, et pour la première fois le 1er juin 2023, selon la formule suivante :
somme actualisée = somme initiale x nouvel indice mensuel
ancien indice mensuel
RAPPELONS au débiteur de la pension qu’il lui appartient de calculer et d’appliquer l’indexation et qu’il pourra avoir connaissance de cet indice ou calculer directement le nouveau montant en consultant le www.insee.fr ou www.servicepublic.fr ».
Les juges sont libres de déterminer l’opportunité de l’indexation et l’indice auquel faire référence. Généralement, ils se réfèrent à l’indice des prix de détail hors tabac pour l’ensemble des ménages de l’INSEE[1]. Cet institut définit ainsi le rôle de cet indice :
« L’indice des prix à la consommation (IPC) est l’instrument de mesure de l’inflation. Il permet d’estimer, entre deux périodes données, la variation moyenne des prix des produits consommés par les ménages.
Il est basé sur l’observation d’un panier fixe de biens et services, actualisé chaque année. Chaque produit est pondéré, dans l’indice global, proportionnellement à son poids dans la dépense de consommation des ménages.
Il est publié chaque mois au Journal Officiel. L’indice des prix hors tabac sert à indexer de nombreux contrats privés, des pensions alimentaires, des rentes viagères et aussi à indexer le SMIC ».
En droit de la famille, il est coutumier de réévaluer annuellement une pension alimentaire. Au cours du XXIème siècle et jusqu’à 2022, la France n’avait connu qu’une longue période d’inflation faible, généralement inférieure à 2%. La réévaluation de la pension était donc d’une faible importance. En revanche, l’importante inflation que nous connaissons actuellement entrainera une réévaluation importante des pensions au cours des prochains mois avec le risque de placer des débiteurs dans des situations financières précaires si leurs salaires ne sont pas également augmentés ; ils seront tenus de continuer à payer les pensions mais celle-ci pourrait ne plus être cohérente eu égard à leur situation financière et patrimoniale affectée par la conjoncture économique.
Mais il faut également se placer du point de vue du créancier dont les charges, qu’elles soient personnelles ou liées à l’enfant, augmentent également du fait de l’inflation. L’absence de réévaluation pourrait donc le placer dans une situation de précarité indue, ses besoins ne suivant pas ses charges.
C’est d’autant plus problématique que si les pensions alimentaires sont généralement indexées, les salaires le sont rarement. Le créancier bénéficie donc d’une réévaluation automatique de sa créance alors que la rémunération du débiteur n’augmente pas nécessairement.
La jurisprudence favorise également le créancier en estimant qu’il appartient au débiteur d’effectuer spontanément la revalorisation à l’échéance et selon la formule fixée. De plus, même si le créancier omet de demander la réévaluation pendant une ou plusieurs périodes, il ne perd pas le droit de demander la réévaluation.
Il convient donc d’être particulièrement attentif à l’indexation de la pension alimentaire. Du point de vue des débiteurs, une augmentation importante de la pension due sans une augmentation simultanée de ses revenues peut éventuellement constituer une circonstance nouvelle qui fonderait une action en justice pour demander la diminution, voire la suppression, de la pension due. Du point de vue du créancier, quoique le débiteur soit en principe tenu de réévaluer spontanément la pension qu’il paye, il est important qu’il s’en assure et qu’il exerce, le cas échéant, une action pour obtenir le paiement de la pension réévaluée en cas de refus de la part du débiteur.
Pour finir et à titre d’information, il est impossible d’appliquer à la pension une clause de variation automatique correspondant à l’évolution du coût de la vie quand l’enfant réside à l’étranger (CA Paris, 1ère ch., 22 janvier 1987 : JurisData n°1987-020314)
EDOUARD ADELUS
Avocat à la Cour